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Les dispositifs de reconversion professionnelle après la réforme du FSE + et du FEM

Dernière mise à jour : 13 mai

À l'heure où les mutations économiques s'accélèrent, la Commission européenne propose une refonte ambitieuse des fonds d'aide à la reconversion professionnelle. Cette initiative, annoncée le 1er avril 2025, vise à élargir le champ d'application du Fonds Social Européen + (FSE+) et du Fonds Européen d'ajustement à la Mondialisation (FEM) afin de faciliter leur mobilisation en faveur des travailleurs confrontés aux transitions professionnelles1.


Ces évolutions marquent un tournant décisif dans la politique européenne d'accompagnement des parcours, permettant d'envisager la reconversion non plus comme une rupture mais comme une opportunité de développement tant pour les individus que pour les territoires.


La réforme du FEM : soutenir les travailleurs dès l'annonce des restructurations




Le règlement modifiant le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation (FEM) vise fondamentalement à étendre le champ d'intervention de ce fonds d'urgence pour inclure non seulement les travailleurs déjà licenciés mais également ceux confrontés à un risque imminent de licenciement dans les entreprises en restructuration. Cette modification répond à une réalité observée : les restructurations d'entreprises se déroulent généralement par vagues successives de licenciements sur des périodes parfois très longues (jusqu'à 1 000 jours pour les plus importantes)[^9].


La proposition comporte plusieurs innovations majeures :

  • Abaissement du seuil de déclenchement à 200 travailleurs concernés (contre 500 auparavant)

  • Intervention préventive permettant d'agir dès l'annonce des licenciements collectifs, sans attendre leur mise en œuvre effective

  • Implication directe des entreprises qui peuvent désormais solliciter l'aide du FEM via un "point d'entrée unique" dans chaque État membre

  • Procédure accélérée avec possibilité pour la Commission de demander la mobilisation intégrale du montant annuel maximal (30 millions d'euros) dès le début de l'année

  • Augmentation des ressources techniques à 1,5% du montant annuel maximal pour renforcer l'accompagnement des bénéficiaires

  • Enquête obligatoire auprès des bénéficiaires six mois après la fin de la période de mise en œuvre



Cette réforme s'inscrit dans la stratégie définie par le "Plan d'action industriel de l'UE pour le secteur automobile européen" qui vise à accompagner les mutations profondes de certains secteurs économiques, notamment face aux défis de la transition numérique et écologique. Le FEM réformé contribue ainsi aux objectifs de l'Union des compétences et du Tableau de bord européen de la compétitivité, en offrant un outil d'urgence complémentaire aux mesures plus structurelles du FSE+[^9]. Proposition de la commission européenne : https://www.centre-inffo.fr/site-europe-international-formation/actualites-europe/la-commission-europeenne-propose-de-modifier-le-fse-et-le-fem


La réforme du FSE+ : réorienter les investissements vers les défis stratégiques

Parallèlement, la réforme du Fonds social européen plus (FSE+) s'attache à réorienter cet instrument majeur de la politique de cohésion vers les nouveaux défis stratégiques de l'Union européenne. Le règlement modificatif propose des ajustements ciblés pour accélérer la mise en œuvre des programmes 2021-2027 et renforcer les investissements dans les secteurs prioritaires3.


Les principales mesures introduites sont :

  • Soutien au développement des compétences dans l'industrie de la défense via des priorités dédiées bénéficiant d'un préfinancement exceptionnel de 30% et d'un taux de cofinancement pouvant atteindre 100%

  • Priorités spécifiques pour l'adaptation des travailleurs à la décarbonisation avec des mesures renforcées de reconversion, requalification et perfectionnement

  • Préfinancement supplémentaire de 4,5% en 2026 pour les programmes réallouant au moins 15% de leurs ressources aux nouvelles priorités stratégiques

  • Soutien renforcé aux régions frontalières de l'Est (frontalières de la Russie, de la Biélorussie ou de l'Ukraine) avec un préfinancement porté à 9,5% et un taux de cofinancement pouvant atteindre 100%

  • Extension de la période d'éligibilité des dépenses jusqu'au 31 décembre 2030 pour les programmes ambitieux

Cette réforme vise à répondre aux besoins urgents identifiés dans le Livre blanc pour la défense européenne et dans la Communication sur l'Union des compétences, tout en s'inscrivant dans les objectifs du "Clean Industrial Deal" qui propose une feuille de route pour concilier compétitivité et décarbonisation3.


Analyse du contexte : l'urgence de la reconversion en France

L'industrie française, secteur particulièrement concerné par ces enjeux de reconversion, a connu une transformation majeure de son emploi comme le montrent les données de l'INSEE4:

Période

Emplois salariés dans l'industrie (en milliers)

Évolution

2000 T1

3 654,7

-

2010 T1

3 165,8

-13,4%

2020 T1

2 826,5

-10,7%

2024 T1

2 708,3

-4,2%

Cette tendance à la baisse doit être mise en perspective avec la dynamique des reconversions professionnelles et la taille des entreprises concernées. En effet, France Stratégie a analysé le comportement des entreprises à l'approche des seuils d'effectif, mettant en évidence un phénomène particulier5:

Année

Nombre d'entreprises en surplus entre 30-49 salariés

% par rapport aux entreprises de cette taille

2015

4 828

15%

2018

4 370

15%

2022

4 263

13%

Les PME face au défi de la transformation

Par ailleurs, les données sur les taux de croissance des entreprises selon leur taille initiale montrent des disparités significatives qui peuvent impacter les besoins en reconversion5:

Taille initiale

% d'entreprises atteignant la dizaine supérieure (2015-2018)

% d'entreprises atteignant la dizaine supérieure (2019-2022)

10-15 salariés

9%

12%

16-19 salariés

23%

28%

20-25 salariés

10%

13%

26-29 salariés

21%

24%

30-35 salariés

11%

14%

36-39 salariés

14%

17%

40-45 salariés

11%

13%

46-49 salariés

8%

10%

Le paradoxe des seuils d'effectifs

L'analyse croisée de ces trois tableaux révèle des tendances significatives pour les politiques de reconversion professionnelle. D'une part, la diminution constante des emplois industriels (-26% entre 2000 et 2024) crée un besoin structurel d'accompagnement vers de nouveaux métiers pour des centaines de milliers de travailleurs. D'autre part, les données de France Stratégie montrent que les entreprises approchant le seuil de 50 salariés connaissent un ralentissement de leur croissance, avec seulement 8-10% des entreprises de 46-49 salariés franchissant la barre des 50 salariés en trois ans, contre 21-24% des entreprises de 26-29 salariés atteignant la trentaine.


Réforme FSE et FEM

Ce "frein à la croissance" identifié entre 30 et 50 salariés (avec environ 4 300 entreprises "en surplus" dans cette tranche) suggère que ces structures pourraient être particulièrement sensibles aux contraintes administratives et financières. Par conséquent, les dispositifs de reconversion issus de la réforme du FSE+ et du FEM devront intégrer cette réalité pour être pleinement efficaces, en proposant des mesures d'accompagnement adaptées à la taille des entreprises concernées.


Articulation entre les deux fonds réformés : une réponse globale aux transitions professionnelles

La réforme conjointe du FEM et du FSE+ a été conçue pour créer un continuum d'accompagnement des transitions professionnelles, en combinant réponse d'urgence et approche structurelle. Le FEM interviendra comme un instrument réactif de première intention, pouvant désormais être mobilisé dès l'annonce des restructurations. Le FSE+ prendra le relais pour des actions plus durables et anticipatives, en intégrant notamment des priorités thématiques alignées sur les défis stratégiques de l'UE.

Ces deux fonds offriront ainsi une palette d'interventions complémentaires :

  • Temporalité : le FEM pour les actions immédiates (jusqu'à 36 mois), le FSE+ pour le moyen et long terme (jusqu'à 2030)

  • Cibles : le FEM pour les travailleurs directement impactés par les restructurations, le FSE+ pour une approche plus large incluant les personnes éloignées de l'emploi

  • Thématiques : le FEM pour une approche généraliste, le FSE+ pour des interventions ciblées sur des secteurs stratégiques (défense, décarbonisation)

  • Territoires : une attention particulière pour les régions frontalières de l'Est dans les deux dispositifs


Cette complémentarité permettra aux États membres de déployer des stratégies intégrées de reconversion professionnelle, en mobilisant les ressources européennes de façon plus flexible et réactive.


Les nouvelles opportunités offertes par la réforme européenne

Les modifications proposées au FSE+ et au FEM s'articulent autour de trois axes majeurs qui redessinent l'architecture des dispositifs de reconversion professionnelle.


Un accès simplifié aux financements

Premièrement, l'élargissement des critères d'éligibilité permettra de soutenir les travailleurs dès les premières phases de restructuration, sans attendre les licenciements massifs jusqu'alors requis pour déclencher les aides. Le FEM pourra désormais intervenir dès qu'une entreprise annonce une restructuration impliquant au moins 200 employés menacés de licenciement, selon une procédure simplifiée et accélérée. La simplification des procédures administratives facilitera également l'accès aux financements pour les organismes de formation et les entreprises, avec un système de guichet unique coordonné au niveau régional. Ces changements devraient permettre d'accélérer la mise en œuvre des dispositifs et d'en augmenter la couverture.



Des parcours individualisés et renforcés

Deuxièmement, ces fonds renforceront l'accompagnement individualisé grâce à la prise en charge de bilans de compétences approfondis, de formations qualifiantes longues (dont l'efficacité a été démontrée par une étude récente de la DARES avec un taux de rappel de 46% pour les candidats en reconversion6), ainsi que de périodes d'immersion en entreprise. Le FSE+ permettra de financer à 100% les priorités liées à la défense et à la décarbonisation dans les régions frontalières de la Russie, de la Biélorussie et de l'Ukraine, reconnaissant ainsi les défis spécifiques auxquels ces territoires sont confrontés. Cette approche sur mesure vise à augmenter significativement les taux de réinsertion professionnelle en adaptant les parcours aux besoins réels du marché du travail.


Une articulation avec les dispositifs nationaux innovants

Enfin, cette réforme européenne vient compléter les mesures nationales comme la VAE inversée ou les communautés d'apprentissage développées par les organismes de formation innovants7. Les États membres pourront bénéficier d'un préfinancement supplémentaire de 4,5% en 2026 pour les programmes réallouant au moins 15% de leurs ressources aux nouvelles priorités stratégiques, et de 9,5% pour les régions frontalières de l'Est. Les délais d'éligibilité des dépenses seront également étendus d'une année supplémentaire pour ces programmes ambitieux.


Ces synergies entre échelons européen et national devraient contribuer à fluidifier les parcours de reconversion et à répondre aux défis de la transformation numérique et écologique qui, selon Benjamin Duplaa, "redéfinissent en profondeur les métiers traditionnels"8. L'hybridation de la formation et l'accent mis sur les compétences transversales constituent également des leviers majeurs pour lever les freins à l'emploi dans ce nouveau cadre réglementaire.


Perspectives et enjeux de mise en œuvre

Cette double réforme répond à des besoins clairement identifiés mais soulève également plusieurs défis de mise en œuvre. L'efficacité des dispositifs rénovés dépendra largement de la capacité des acteurs à s'approprier ces nouvelles opportunités et à les déployer rapidement.

Parmi les facteurs clés de succès, on peut identifier :

  1. La coordination interinstitutionnelle entre les différents échelons administratifs (européen, national, régional) et les partenaires sociaux

  2. La simplification effective des procédures pour garantir une mobilisation rapide des fonds

  3. L'anticipation des besoins en compétences dans les secteurs stratégiques ciblés (défense, technologies propres)

  4. L'accompagnement des entreprises dans la conception et le déploiement des mesures

  5. L'évaluation continue des dispositifs pour permettre des ajustements en temps réel


La mise en œuvre effective de ces réformes constituera un test important pour la capacité de l'Union européenne à concilier réponse aux crises et investissement dans les transitions structurelles, tout en préservant la cohésion sociale et territoriale.


Mes sources

  1. Centre Inffo (2025). "La Commission européenne propose de modifier le FSE+ et le FEM". Consulté le 13 mai 2025.

  2. INSEE (2025). "Emplois salariés trimestriels - Industrie - Sections B, C, D et E - CVS". Données de 2000 à 2024. ↩

  3. France Stratégie (2025). "Comment se comportent les entreprises à l'approche des seuils d'effectif ?". Note d'analyse publiée le 22/04/2025. ↩ ↩2

  4. Benjamin Duplaa (2025). "Formation professionnelle et reconversion : les formations longues font toute la différence". Article publié le 26 mars 2025. ↩

  5. Benjamin Duplaa (2025). "6 nouveaux services à proposer en tant qu'organisme de formation en 2025". Article publié le 29 avril 2025. ↩

  6. Benjamin Duplaa (2025). "L'impact de la transformation digitale sur les métiers traditionnels". Article publié le 3 mai 2025. ↩

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